L'histoire commence en Janvier 1928. Le RUBIS est mis en chantier à TOULON. Il sera un sous-marin mouilleur de mines de la série SAPHIR. Cette série en comptera six et tous (sauf 1) porteront le nom d'une pierre précieuse.
- Le SAPHIR (mis en service 1930)
- Le TURQUOISE (mis en service en 1930)
- Le NAUTILUS (mis en service en 1931)
- Le RUBIS (mis en service en 1932)
- Le DIAMANT (mis en service en 1933)
- Le PERLE (mis en service en 1937)
Le NAUTILUS, 3ème de la série, le seul dont le nom n’évoque pas la joaillerie, s’est vu attribué le nom du célèbre submersible du capitaine NEMO en hommage à Jules VERNE dont l’année 1928, centième anniversaire de la naissance du romancier, coïncide avec la mise en chantier de ce sous-marin. Le lancement du RUBIS a lieu le 30 septembre 1931. Le bâtiment est officiellement inscrit en tant que bâtiment en service actif en avril 1933. Il est basé à Toulon.
Le RUBIS pesait 762 tonnes pour une longueur de 66 mètres et une largeur de 7,12 mètres. Sa coque principale avait un diamètre approximativement de 3 mètres. Une coque plus légère contenait les ballasts, les puits de mines et les appareils de plongée. Son tirant d’eau était de 4,90 mètres, et une profondeur de 9 mètres était nécessaire pour que, quille sur la vase, le point le plus haut de son kiosque devienne invisible de la surface. Sa profondeur maximum d’immersion était de 80 mètres. En navigation de surface, ce sont 2 moteurs diesel fabriqués par les chantiers NORMANDS au Havre sous licence VICKERS-ARMSTRONG qui , grâce à leurs 6 cylindres donnant pour chacun 650 CV à 360t/mn, entraînent le RUBIS à une vitesse de 12 nœuds. En immersion, le relais est pris par 2 moteurs électriques SCHNEIDER de 500 CV chacun et qui lui confère la vitesse de 9 nœuds.
Son armement est constitué d’un canon de 75 et de 2 mitrailleuses de 13 mm. Dans ses puits, réparties dans 16 mouilleurs (8 de chaque côté), 32 mines de 1090 kilos contenant une charge explosive de 320 kilos.
Mouilleur de mines, certes, mais cette fonction n’empêche pas le RUBIS d’attaquer aussi à la torpille, et pour ce faire, il embarque 3 torpilles de 550 mm et deux torpilles rapides de 400 mm.
Le fonctionnement du navire est assuré par un équipage de 45 hommes dont 4 officiers, 9 sous-officiers et 32 hommes d’équipage.
Les 3000 marins et 22 officiers qui se seront joints au Général De Gaulle fin 1940, seront environ 10.000 en 1943 grâce à l’arrivée d’hommes les ayant rejoints d'un peu partout par les moyens les plus divers, dont des départs de France occupée, par mer à la barbe des allemands.
Pour sa part, le RUBIS est saisi à Dundee le 3 juillet 1940. La prévenance de l’amirauté anglaise associée au désir de résister et combattre de l’équipage (1 officier, 1 sous-officier et 3 marins seulement décident de rentrer en France !) font que le RUBIS avec la Junon, la Surcouf et la Minerve seront les premiers sous-marins de la France Libre.
Le RUBIS est disponible dès septembre 1940, mais les mines françaises Sauter-Harlé ne sont plus disponibles. Il est décidé que le sous-marin sera affecté à des missions d’attaque. Il effectue ainsi 4 opérations : la 5ème (5 au 20 septembre 1940) aux alentours de Dogger Bank par mauvais temps, la 6ème en octobre à l’entrée de Stavanger, la 7ème en novembre durant laquelle il débarque en Norvège un agent de renseignement, et la 8 ème (1er au 18 décembre 1940) consistant en une mission de surveillance sur les cotes d’Utvaer. Mais, trop lourd, trop lent il déçoit, n’obtenant aucun résultat.… il sera transformé afin de pouvoir être équipé de mines anglaises Vickers Armstrong et retrouver sa fonction première : mouilleur de mines. Le 7 mai 1941, le RUBIS est au large de Dundee en essai. Trois jours après, une cérémonie officialise le changement de "Pacha"…le lieutenant de vaisseau Rousselot prend le commandement en remplacement de Cabanier, promu capitaine de corvette, qui va être envoyé dans le Pacifique.
Le 14 octobre 1941 au cours d’une cérémonie officielle, le RUBIS reçoit des mains du Général De Gaulle la Croix de la Libération.
Les missions perdurent au cours de la guerre, il en aura au total effectuées 28.
Le sous-marin RUBIS, comme nombre de sous-marin anglais, arborait son JOLLY ROGER (pavillon noir !) en rentrant d’une mission réussie. Le «JOLLY ROGER» du RUBIS est particulièrement éloquent !
A titre d’information, les bandes blanches représentent les navires de commerce coulés, les bandes rouges, les navires de guerre. Le glaive illustre la mission de débarquement d’un agent. Les bandes barrés par une torpille pour chaque navire coulé à la torpille, et chaque mine blanche pour évoquer une mission de mouillage. Le 12 juin 1945, l’équipage du RUBIS voit disparaître les côtes anglaises. Il pénètre dans le port d’Oran le 23 juin où il est désarmé et abandonné par son équipage. Son aventure ne s’arrêtera pas là. Caréné et réarmé à Oran, il regagne Toulon où il servira, entre autre, lors d’exercices d’écoute sous-marine, de mouillage de mines d’exercice. Le vieux submersible participera à des entraînements combinés avec des avions et des bâtiments de surfaces. Il effectuera des "croisières" qui le mèneront dans les ports d’Afrique du Nord comme Alger, Bizerte, Bône, Oran, Casablanca, ou plus au nord comme Lorient ou Brest.
C’est à Toulon qu’il terminera sa carrière où, servant à l’école d’écoute, de nombreuses avaries le condamneront. Il est définitivement retiré du service en 1950. Le 31 janvier 1958 au large du cap Camarat, une explosion retentit. Une charge de 9 kilos fait exploser l’arrière du RUBIS qui se dresse et coule !
Peu de temps avant, le remorqueur Sanson et la gabare Criquet l’avaient positionné à cet endroit afin d’en faire un but sonar destiné à l’entraînement des escorteurs de la Marine Nationale. Du fond de la Méditerranée, le RUBIS fût encore une fois le témoin d’une scène émouvante. L’amiral CABANIER, premier commandant du sous-marin passé aux FNFL, décédé le 26 octobre 1976, avait souhaité que ses cendres soient immergées dans leur urne au dessus de l’épave du RUBIS. La cérémonie fut célébrée à partir du sous-marin Daphné, saluée par les honneurs au sifflet de marine rendue par un gabier et une salve de 19 coups de canon tirée par les marins de l’escorteur d’escadre Guépratte.
L'ouvrage "Portrait d'épaves" de JP Joncheray évoque clairement cette dernière hypothèse en citant l'amiral Cabanier par ces mots : En 1957, la Royale, en quête d’un but sonar pour l’entraînement des escorteurs du G.A.S.M (Groupe d’Action Anti-Sous-marine), commandé par l’amiral Cabanier, désigne le RUBIS destiné à la ferraille. Cabanier, en souvenir des anciens combats, trouve injuste, sinon indigne une telle décision ; il préfère le couler au large du Cap Camarat. "Le sous-marin RUBIS avec le souvenir de son équipage, symbole de tous nos disparus en mer, repose au large de Cap Camarat enveloppé dans son linceul marin qui ne pouvait être que le sien, coulé volontairement par un de ses anciens commandants de la guerre, qui refusa de livrer sa dépouille aux acheteurs de ferraille" Plus tard, dans son livre "Croisières périlleuses" l’amiral Cabanier écrit : "Ce vieil et glorieux serviteur ouvrit pour la dernière fois ses purges, panneaux ouverts, et s’enfonça à jamais dans la seule sépulture qui fut digne de lui..." Ainsi finit le sous-marin RUBIS... une bonne raison pour voir le RUBIS autrement la prochaine fois que vous lui rendrez visite !
Par Dominique RESSE
Plonger sur un sous-marin en France ou ailleurs n’est pas chose facile. Malgré le grand nombre coulés lors des deux derniers conflits et l’hécatombe que ce fût, peu sont à notre portée !
La cause : profondeur et éloignement des côtes ! Le Rubis de ce fait, est une véritable aubaine. Imaginez ! Aller explorer sous l’eau l’épave d’un navire dont la vocation était d'être sous l'eau !
Le fait que cette épave soit visitée par les clubs Varois, sa proximité des ports de la région, sa relative faible profondeur et malgré parfois des courants violents sur le site, ont contribué à son succès et des milliers de plongeurs peuvent se targuer, sinon de bien la connaître, du moins d’avoir partagé avec elle quelques minutes d’intimité et d’émotion.
Et c’est bien dans cet état d’esprit que, le bout de mes palmes dépassant déjà du pont de SUBTIL, je m’apprête à me jeter à l’eau. Des réflexions aussi simples que « pas de jus !» « visi d’enfer ! » « que du bonheur ! » me viennent en tête en me déhalant le long du mouillage tandis que la masse sombre du RUBIS commence à se détacher de la blancheur immaculée du sable coquillier sur lequel il repose. Rassuré par le grognement caractérisant son enthousiasme, émis dans son détendeur par François, mon binôme, je quitte le mouillage et incline ma descente vers l’avant de l’épave que je dois photographier. « L’AVANT », je me remémore cette photo de Kurt Amsler, cette photo si souvent utilisée pour illustrer articles dans les revues, les livres, voire des publicités. Sitôt arrivé, après m’être redressé et stabilisé, je cherche la position, l’angle que lui-même a dû imaginer pour rendre si photogénique cette partie de l’épave. Pas grand risque d’être accusé de plagiat… nos talents et notre matériel n’ayant pas grand chose de comparable !
La vision est vraiment saisissante et la beauté de cette étrave posée en porte à faux, sous laquelle un plongeur peu passer est éblouissante. Je m’abstiens de me hasarder à cette profondeur. Le caisson de mon appareil photo est donné pour trente mètres et la raison me stabilise donc à trente cinq mètres. L’étrange appendice de cisaillement surmontant le dessus de l’étrave photographié en gros plan, François balaye le pont avec sa caméra.
L'appendice de cisaillement à l'étrave du sous-marin d'un mètre de long, muni des ses "dents" destinées aux orins des mines et filets d'acier. Au dessous, défilent les vannes, pompes, tuyaux, bouteilles d’air comprimé, situés à l’extérieur de la coque épaisse et que le plancher disparu laisse entrevoir.
Je passe à coté du kiosque et remarque que les formes du RUBIS s’arrondissent, que ses flancs s’élargissent. En effet, j’arrive à ses volumes rajoutés dans lesquels les mines étaient glissées.
Je poursuis mon chemin vers l’arrière, et là je «mitraille» les tubes lance-torpilles pivotants de 550 mm qui se trouvent sur le pont.
L’écran de mon appareil me rassure, j’aurai de «fameux souvenirs ». Mais le temps me rattrape et mon ordinateur se rappelle à mon bon souvenir ! En passant devant le kiosque, regagnant le mouillage, une murène de belle taille retient mon attention, ajoute au passage quelques minutes de plus à mon temps de "déco" et prend elle aussi une place sur l’écran de mon Olympus.
Et sur un signe de François, c’est la lente remontée le long du mouillage et l’attente sous la surface ! Si ce récit de l’histoire du RUBIS vous a donné envie d’en savoir plus sur celui ci et sur les autres, et ils sont nombreux à être restés au fond, je ne saurais que vous conseiller la lecture du très complet et très luxueux livre de Jean Louis MAURETTE : Les gardiens du Silence épaves de sous-marins à travers le monde.
Sources : Le Grieme
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